French BashingJe me permets de revenir sur un reportage de Donatien Lemaitre, diffusé il y a plusieurs mois, sous le nom évocateur : « Le vignoble français, la gueule de bois ». Document vérité pour certains, mais on mettra cela sur le compte de leur naïve crédulité et de leur méconnaissance d’un milieu du vin plus compliqué qu’il n’y parait. Ce reportage n’est rien d’autre qu’un lamentable document à charge,  symptomatique d’un journalisme à scandale, avec pour mot d’ordre le bashing systématique. Nul doute que le « French Wine Bashing » est un sujet porteur, car rien de tel que démonter ce qui marche, pour attirer le spectateur. Je me permettrai de revenir certes sur le fond du reportage, mais aussi sur sa forme qui en dit long sur les déviances de ce journalisme de pacotille.

Un French Wine Bashing en règle

Que retiendra le spectateur-consommateur à l’issu de ce reportage ? La nauséabonde impression qu’on se moque de lui. En effet, le monde du  vin ne serait en fait qu’une vaste escroquerie, avec des vignerons qui usent et abusent de produits interdits, vendangent à la machine, n’élèvent pas en barrique, pratiquent la thermorégulation, rajoutent du bois et des levures…. Comment prétendre élever des vins à des coûts raisonnables, sans vendanger à la machine, sans utiliser quelques sulfites, en bannissant les levures.. ? Au non de saint Bio, M Lemaitre sous-entend que les vignerons font n’importe quoi et qu’exceptionnels sont les vignerons, comme Alexandre Brain, qui poussent une charrue et travaillent en biodynamie . Il aurait fallu que ce monsieur soit intellectuellement honnête pour constater que cette tendance est forte, mais que la notion de coût n’est pas neutre.

Mais comment nier une réalité économique ? Si les vins de M Brain sont excellents, il n’en demeure pas moins qu’on les retrouve à plus de 20 euro, alors que le prix de vente moyen est en dessous de 4 euro.  Jamais dans ce reportage il n’est question d’affect, comme si un vigneron élevait un vin comme il fabrique des boulons. Pour ceux qui connaissent un tant soit peu le monde du vin, s’il est une vérité commune à chaque vigneron, c’est qu’il entend donner le meilleur, avec ses moyens, pour produire un vin qui présentera des qualités gustatives optimales. Certes, c’est loin d’être toujours le cas, mais ce sentiment de suspicion sur les intentions des vignerons est détestable.

Quant aux négociants, distributeurs, grossistes et cavistes, ce ne sont, pour M Lemaitre, que des complices d’un système lucratif, qui les encourage à manipuler nos goûts, nos profils de French wine bashinggoûts et à nous prodiguer des conseils erronés. Que ce soit la diatribe sur le beaujolais nouveau ou l’interview d’un salarié de Nicolas peu scrupuleux, tous les éléments sont rassemblés pour jeter l’opprobre sur tout un secteur, pourtant fleuron de notre économie. N’en déplaise à ce journaliste, le vin français est reconnu dans le monde pour sa qualité qui ne se dément pas au fil des ans, et est encadré, même parfois trop, par des règles de production très strictes …. Certes, tout n’est pas parfait ; certes, il existe des brebis galeuses comme partout… mais il est trop facile de jeter le bébé avec l’eau du bain, ou plutôt le vin avec le jus du raisin.

Dévaloriser les concours et notes des critiques vinicoles

Enfin, M Lemaitre va se faire plaisir à dévaloriser les concours, pour en conclure qu’on nous raconte n’importe quoi et que toutes les médailles sont en chocolat. Là encore, quel est l’intérêt de dévaloriser un outil marketing. Personne n’a jamais prétendu que les concours étaient élitistes ; ils permettent de guider les achats et de donner des références pour mieux vendre ; quel est le mal à cela, tant qu’on ne retrouve pas de « piquette » médaille d’or, et sauf erreur, c’est encore le cas.

Une évaluation n’est jamais parfaite mais tend à ordonner la qualité des vins pour faciliter le choix du consommateur : qui  peut se permettre de tout gouter avant d’acheter?

Un French Bashing tout court

Malheureusement, si l’on peut s’émouvoir sur ce type de journalisme, c’est qu’il n’a pour but que la critique permanente ; il consiste à montrer ce qui ne va pas, au mépris de ce qui marche, et d’en tirer des leçons de moral et des conclusions trop faciles. Sous couvert d’arguments souvent fallacieux, on tire des généralités qui font mal, mais qui font de l’audience.
Pour m’en convaincre, j’ai également regardé le deuxième reportage de M Lemaitre, qui concernait « le business du commerce équitable ».Rien qu’au titre, on comprend l’axe du reportage et là encore, c’est un plaidoyer contre les producteurs, pour en conclure que tout cela n’est qu’arnaque.

En fait, la méthode est simple : prenez un sujet qui a la côte,  identifiez les rouages à polémiques, trouvez des brebis galeuses, ou plutôt leurs collaborateurs que vous ferez témoigner à visage couvert avant d’aller les voir en personne (mais en caméra caché), prenez un air naïf et ne manquez pas d’asséner quelques vérités, concluez sous forme interrogative et faussement naïve (un peu de populisme ne fait pas de mal,) tout en  prenant soin de mettre en avant un contre-exemple (cela donne à votre documentaire un caractère contradictoire et donne une note d’optimisme toujours plaisante). Bien entendu, gardez en toutes circonstances un style journalistique faussement neutre, car vous êtes, rappelons le, dans l’investigation (à ne pas confondre avec « journalisme populaire » qui est la propriété de Jean Pierre Pernaud et qui concerne des reportages positifs).

Après donc le French Wine Bashing, le dévoiement du commerce équitable, j’ai pour conclure quelques sujets (facile et pour certains déjà traités par certains de ses confrères tout comme lui peu scrupuleux) : les patrons sont-ils pourris ? Les fonctionnaires et les abus,  Les politiques et la corruption… et pourquoi pas d’ailleurs un sujet sur  « les journalistes et leurs indépendance » ? Si je me mettais dans la peau de M Lemaitre pour traiter ce sujet, je m’empresserai d’interviewer un pseudo-journaliste à scandale type Voici, un journaliste corrompu (il doit y en avoir comme dans toutes les professions),   un journaliste qui sait des choses mais ne les dits pas en raison de la pression de lobbying… le tout en caméra cachée… N’est-ce pas un peu facile?

Quand je vous dis que l’élève que je suis pourrait dépasser LEMAITRE !