Les mois de mars et avril ont vu se succéder la  campagne électorale et la campagne des primeurs. Après le verdict des urnes, nous avons eu le droit à celui des cuves, tout aussi attendu par le milieu du vin. Etrange parallèle entre le monde politique et le monde viticole, mais il me plait de trouver des similitudes au moment de conclure sur cette période, riche en discussions d’alcôves .

La campagne des primeurs  fût âpre et complexe

Les débats sur la qualité du millésime 2013 ont démarré très tôt, avant même les vendanges diront certains. Il faut dire que l’enjeu est important car après les années fastes, la place de Bordeaux souffre à certains égards et aurait bien eu besoin d’un coup de pouce du destin. A croire malheureusement que la météo s’était inspirée de l’économie puisqu’avec notamment les scandales météorologiques de juillet, la confiance de nos viticulteurs était au plus bas. In fine, c’est donc avec un moral quelque peu en berne que ces derniers ont vendangé et élevé leur dernière cuvée.

Ne nous y trompons pas, il n’a jamais été question de changer de cap, mais tout simplement de composer avec les déficits climatiques. L’exercice sur ce millésime 2013 ne fût guère aisé et il a fallu faire preuve de vigilance et de savoir-faire. Certains parleront donc d’un millésime technique, et donc relativement hétérogène, mais pour autant point d’extrêmes en terme de qualité.

La campagne des primeurs ne suscite pas l’engouement attendu

Contrairement aux élections politiques, nous ne dirons pas que les négociants ont boudés les cuves mais il subsiste un réel risque d’abstention au niveau des consommateurs. Pour le monde du vin, la campagne des primeurs demeure un moment fort de l’année viticole, qui lui permet d’élaborer sa futur politique commerciale sur le dit-millésime. Dans les châteaux, autour des  tables dressées parfois en hémicycle,  on déguste et on débat, mais avec une retenue toute politique car il n’est de l’intérêt de personne de jeter un quelconque discrédit sur tel ou tel.

En revanche, tout comme à l’assemblée,  c’est dans l’arrière cour de ces mêmes châteaux que les débats s’agitent que les langues se délient ; Rassurez-vous, loin de moi l’idée d’y voir des traces de machiavélisme ou d’hypocrisie, mais il faut bien avouer que les discussions sont alors souvent plus franches. C’est dans ces moments plus intimes qu’on ose notamment parler d’allocations, de prix de sortie, tant de sujets tabous, pourtant bien au cœur des préoccupations de tous.

Or, et c’est bien là le souci, la question est de savoir si le millésime 2013 se vendra bien en primeur. Outre la Chine qui, tout comme en 2012, risque fort d’être peu demandeuse, le consommateur se détournera-t-il des primeurs, tout comme les électeurs de la politique ? A cela, deux  raisons :

– Dans une période où le pouvoir d’achat est malmené, on peut légitimement penser que certains feront l’impasse sur ce millésime, dans l’attente d’un retour à meilleure fortune.

– Les déboires du site 1855 ont pu décourager les amateurs…

– N’en déplaisent à certains, beaucoup achètent des vins en primeur dans un but spéculatif ; or, les prix de sortie de ces dernières années au regard notamment des vins disponibles sur la place, posent clairement la question de l’intérêt d’investir en primeur.

Là encore,  comme en politique, il est important d’afficher une certaine sérénité en insistant sur certains indicateurs, comme la qualité somme toute très correcte de ce millésime 2013. Il n’en demeure pas moins qu’il faudra juger par les chiffres pour savoir si la campagne primeurs 2013 a été fructueuse ; on attend donc, avec une certaine impatience, les prix de sortie de ces primeurs, afin d’avoir une indication plus précise sur la politique qui sera mise en place. A vrai dire, les premiers signes ne sont guère encourageants….

Arsène Bacchus