La loi EvinA plusieurs reprises, l’occasion m’a été donnée de fustiger la loi Evin et de montrer ses aberrations. Le rapport  Reynaud, remis il y a quatre ans à la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), a proposé de l’appliquer plus strictement encore, notamment sur Internet. 

Ainsi donc, les vignerons ont été une fois encore mis insidieusement au banc des accusés, sans aucun discernement.

A la lecture de ce rapport, on peut tout d’abord s’étonner qu’aucune distinction ne soit faite entre le vin et l’alcool, alors même qu’il n’y a pas si longtemps, ce distinguo était le point de départ de la lutte contre l’alcoolisme… . autre temps autres mœurs, quand on pense qu’en 1880, l’Etat qualifiait le vin de boisson hygiénique!

Vin = Alcool ?

De même, on ne peut qu’être gêné aux entournures que le vin soit appréhendé comme une substance addictive dangereuse. Là encore, en voulant traiter les excès ravageurs de l’alcool, on fait un dangereux amalgame entre l’amateur de vin et le pochtron de bar.

Nulle part donc dans ce rapport, il n’est fait de distinguo tant est si bien qu’in fine, tout le monde est logé à la même enseigne avec des sanctions identiques; c’est un peu comme s’il n’y avait aucun graduation des peines dans le code de la route: tout conducteur contrevenant serait considéré comme un chauffard, avec un retrait de permis pour tout excès de vitesse qu’il soit d’1 ou 80km/h … J’endosse certes un peu la robe de l’avocat du diable, mais, c’est la goutte de vin qui fait déborder la carafe! Ce rapport fait l’impasse sur les valeurs historiques ou sociétales liées au vin, mais aussi sur les enjeux économiques; il ne se place que sous le prisme de la santé publique, avec pour simple adage: « interdire à tous pour se prémunir de quelques-uns »…ce qui est absurde.

Passons sur ces considérations que la morale technocratique de M Reynaud réprouve et venons-en aux faits, ou plutôt aux propositions de ce rapport sur l’addiction, qui toucheront donc tous les consommateurs et pas seulement les personnes addictes.

Quelles actions mises en place ?

Tout d’abord, il préconise une taxe; c’est normal en soi puisque tout bon rapport se finit par des taxes… concrètement, cela reste flou puisqu’il s’agirait de « financer la prévention et la recherche au prorata des dépenses de marketing ». Une chose est certaine en revanche, taxe il y aura, laquelle sera in fine répercutée pour tout ou partie sur le consommateur. Quand bien même le secteur du vin se porte globalement bien, est-il vraiment raisonnable de le ponctionner encore et toujours?

Par ailleurs, et c’est sans doute là, le sujet de menace majeure, il s’agit d’appliquer la Loi Evin sur Internet. Le rapport préconise certes de limiter cette application, en excluant notamment les sites de producteurs, mais force est d’admettre que ces frontières sont pernicieuses, si l’on se réfère aux décisions de justice rendues précédemment dans le cadre de la loi Evin.  En effet, est-ce à dire que les offices de tourisme, les syndicats viticoles, les journaux en ligne ou autres acteurs majeurs du secteur se verront interdire de faire la promotion du vin?

Concrètement, qu’est ce qui est interdit ?

En outre, «le contenu devra se limiter aux qualités objectives des boissons ». Le libellé peut effrayer quand on sait qu’en matière de vin, la subjectivité y a, par définition, une place prépondérante. Commenter un vin de manière objective deviendra un exercice de style à part entière, afin d’éviter de tomber sous les fourches caudines de la loi Evin….

On oublie là encore qu’internet est un monde sans frontière et que les français ne sont pas les seules à produire du vin. Bien entendu, la notoriété du vin français existe mais sans publicité ou promotion, elle ne pourra que s’affaiblir, avec à la clé, des pertes de marché au détriment de nos amis viticulteurs étrangers.

Si encore nous pouvions être convaincus que ces restrictions allaient éviter les abus, on pourrait se faire une raison… mais il n’en ait rien et. Si l’on poursuit la même logique de raisonnement, pourquoi donc ne pas interdire la publicité sur les bonbons pour éviter l’obésité ou celle sur les crèmes solaires pour éviter les cancers de la peau? Ce diktat du tout sécuritaire pour éviter les quelques déviances n’a pas de sens!

Alors certes, il ne s’agit que d’un rapport, qui ,espérons-le, finira comme beaucoup au fond d’un tiroir, mais il convient de rester mobilisé. C’est pourquoi je ne peux que vous encourager à signer la pétition « sauvons nos vignerons » afin que notre addiction à un certain art de vivre soit préservé.

Arsène Bacchus