S’il est un site de vente de vins qui fait polémique, c’est bien celui de 1855! Annoncé comme moribond depuis plusieurs années, ce dernier est toujours debout et n’en finit pas de défier la chronique en raison de sa politique commerciale. Je me suis donc attardé tout d’abord sur la réalité des chiffres, puis sur la politique commerciale, avant de porter enfin un jugement sans concession.

1855: Une jeunesse difficile et une maturité à confirmer

Lancé en 1999, le site 1855 a connu des débuts difficiles comme ses principales concurrents, qu’étaient Château On Line (COL) et Wine and Co. En effet, pour ces sites de vente de vin, la rentabilité du modèle économique a très vite été contrariée notamment par les problèmes de logistique qui plombaient les charges (Il faut savoir en effet que la logistique revient aux environs de 1,5 à 2 euros par bouteille).

Ainsi, dix ans après son lancement, COL et 1855 affichaient   respectivement un chiffre d’affaires de 20 me et de 11.4 me, mais un résultat avec une perte abyssale de 4.7 me pour le premier et de 4 me pour le second.

Il fallut donc restructurer ces ensembles, tant est si bien qu’en 2010, COL parvenait à réduire ses pertes à 1.7 me … mais Au détriment de son Chiffres d’affaires qui n’était plus alors que de 5 me ; dans le même temps, 1855, voyait également ses pertes  annuelles ramenées à 0.7 me, et son CA à 7.7 me.

Soutenu par le gendre de Mme Bettencourt, lequel épongeait les déficits année après année, 1855 va racheter COL, ainsi que la société Caves Privées qui réalisait alors 2.3 me de Chiffre d’affaires.

Contrairement à ce que l’on peut lire à droite à gauche, 1855 semble avoir atteint à ce jour une certaine rentabilité, avec en 2012 un Chiffre d’affaires de 15me environ et un résultat enfin positif de plus d’1 me. Effet d’annonce évoqueront certains, mais il s’agit des chiffres officielles d’une société cotée, laquelle affichait un bilan relativement similaire en 2011.

Certes, on ne saurait dire pour autant, comme l’annonce le site, que « le navire 1855 franchit le cap durable de la rentabilité »; en effet, plus de dix années de déficit laissent des traces avec une hémorragie financière tout juste jugulée.

Ne nous y trompons pas, la situation financière est loin d’être totalement assainie, et la multiplication des scandales pèse comme une épée de Damoclès sur la tête de 1855.

1855 : des pratiques commerciales mises à mal.

Dès son origine, ce site a vendu des produits qu’il ne possédait pas et c’est là le fondement de son modèle économique et le point de départ de ses déboires. Afin d’éviter un portage de stock trop lourd et de proposer une gamme de vins largement supérieure aux autres, ce site avait pour stratégie de n’acheter une partie de ses vins qu’une fois ceux-ci vendus au client. Le mécanisme est d’autant plus simple pour les ventes en primeur puisque la livraison n’a lieu que 2 ans aprés, ce qui laisse un certain laps de temps pour acheter sur la Place les flacons déja vendus.

C’est ainsi que rapidement le site a affiché plus de 25 000 références de vins et s’est permis, notamment pour les ventes en primeurs, de pratiquer des prix inférieurs à ceux de ses concurrents. Reste qu’à vendre ce qu’on n’a pas, on se brûle les ailes ; en effet, compte tenu de l’envolée des prix, 1855 s’est retrouvé dans l’obligation d’acheter des vins à un prix plus élevée que celui auquel il les a vendus, ceci afin de pouvoir honorer ses commandes. On comprend donc aisément pourquoi de nombreuses commandes n’ont pas été honorées et de facto comment les plaintes  contre le site se sont multipliées.

De même, plus risible cette fois, le site a récemment défrayé la chronique, en proposant sur son site du « château d’Yquem 2012 », alors même qu’il n’existe pas, puisque le plus célèbre des Sauternes avait annoncé qu’il n’y aurait pas de millésimes 2012.

« Erreur informatique » invoqueront les dirigeants du site, sans un mot d’excuses, … on peut en douter ! En effet, pour ceux qui affirment sur leur site, « puiser leur inspiration dans l’exigence de régularité et de fiabilité, ceci dans la plus pure tradition de l’horlogerie ». La comparaison laisse à sourire pour un site qui a pour discrédit de ne pas livrer dans les temps et de ne pas afficher la réalité….

Dans le même ordre d’idée, c’est le château La Conseillante qui s’étonne que 1855, via Château on Line, puisse proposer le millésime 2012 à 52 euros HT, alors même qu’il a été vendu au négoce à 52 euros HT, avec un prix public conseillé à 65 euros HT ; .Ainsi donc, soit le site vend à pertes, soit les malheureux acheteurs risquent fort de ne jamais voir leurs vins…. Sur le fonds, cette affaire moins médiatique que celle d’Yquem, est plus préoccupante, car c’est tout un marché qui se trouve déstabilisé par ces pratiques.

En résumé donc, 1855 appâte le chaland avec des produits qu’il n’a pas toujours et pratique une politique tarifaire contraire à l’éthique.

1855 : Une fin de match qui tarde à être sifflée

Fort des éléments ci-dessus, on peut légitimement se poser la question de la survie de 1855.  Avec de telles pratiques pour le moins condamnables, on ne peut que s’étonner que ce site, soi-disant boycotté par « la Place », soit toujours en ligne.

En effet, à entendre négociants et châteaux, plus personne ne fait confiance à ses dirigeants et honte à ceux qui travaillerait encore avec eux. Et pourtant, 1855 continue à vendre des vins qu’il n’a pas achetés, à « casser les prix » et in fine à fournir ses clients, ou du moins la plupart.

Il faut donc en déduire que beaucoup continuent à vendre du vin à ce site, mais sans en faire étalage. Beaucoup se plaisent en effet à fustiger 1855 et à condamner leurs pratiques, sans pour autant cesser de travailler avec eux…Certains y voit une forme d’hypocrisie de la Place, là où à mon sens, il faut plus l’analyser comme un manque d’union entre les intervenants.

Des revues, comme la célèbre RVF ou encore Terres de vins, dénoncent les pratiques de ce site, qui accumulent les cartons jaunes. Dans le même temps, « la Place », pourtant unanime contre ces fautes répétées et cet antijeu subversif, n’ose pas sortir un carton rouge, renvoyant l’indigent au vestiaire.

Il suffirait pourtant que châteaux et négociants se passent le mot, estiment que ce site est hors jeu et sifflent ainsi la fin du match pour 1855 et consorts. Force est de constater que la prolongation s’éternise et que le climat se crispe….

Arsène Bacchus